dimanche 20 mai 2012

De rouille, d'os, d'amour et de rage....

Je viens de voir "De rouille et d'os" de Jacques Audiard...




Je ne connais pas Jacques Audiard en tant qu'homme, mais une chose est sûre. En tant que cinéaste, il fait preuve dans son expression d'une humanité qui est rare dans le cinéma français actuel. Mis à part les ceux de Céline Sciamma, les films de Jacques Audiard sont les seuls du cinéma français contemporains que je peux regarder en boucle sans éprouver la moindre lassitude. Parce que face à ces films, on finit par oublier que l'on regarde un film. On partage tout simplement un moment de la vie d'un être humain et de ceux qui l'entourent. Nous sommes plongés non pas dans l'observation clinique d'un quotidien plus ou moins âpre, comme ça peut être le cas dans le cinéma que l'on qualifie souvent - à tort ou à raison -  de réaliste, mais plutôt dans une expérience, dans une perception du monde qui reflète l'état d'esprit et l'état émotionnel du personnage dont nous suivons les péripéties. Il s'agit d'un cinéma sensitif plus qu'intellectuel. C'est à travers des perceptions et des sentiments que Jacques Audiard nous raconte les histoires. C'est toujours intéressant de voir à quel point le fils d'un maître des mots dans l'histoire du cinéma français, s'en est affranchi pour exprimer les choses à travers la rencontre des corps et de la lumière. 

C'est d'ailleurs une très bonne idée après avoir visité la sombre Ile de France de ses trois derniers films, d'aller chercher le soleil, comme Ali, sur le bord de mer antibois. Et alors que l'on s'attend à un film centrée autour de la "star" aimée ou honni Marion Cotillard, c'est autour du belge Mathias "Bullhead" Schonaerts et de sa présence à la fois délicate et brutale que se construit le récit. Encore une fois, comme dans "De battre mon coeur s'est arrêté", comme dans "Un prophète", il s'agit de l'histoire d'un apprentissage, d'une transformation, qui va se nourrir, d'amour et de souffrance, d'erreurs et de victoires.  
 
Ali arrive à Antibes avec sur les bras un fils qu'il connait à peine et le cœur rempli d'un mélange de rage et d'indifférence bonhomme au monde qui l'entoure. Il va changer, se nourrissant notamment du contact de Stéphanie, dresseuse d'orque, elle-même victime d'un accident du travail qui la laissera sans jambes. Cette jeune femme belle et conquérante qui se nourrit du regard des hommes va devenir à leurs yeux une handicapée plus qu'un femme, saufs à ceux d'Ali et c'est ce qui va faire qu'il va la nourrir et la faire grandir autant qu'elle le fait pour lui. En parlant de regard, c'est d'ailleurs toujours très troublant de voir cette capacité qu'à Audiard à filmer avec désir le corps masculin. A ce propos la scène de retour du premier combat d'Ali est une expression parfaite de la montée du désir de Stéphanie pour cet homme avec qui elle entretient une relation dont la nature n'est pas vraiment définie pendant longtemps. D'ailleurs, la grande force d'Audiard dans cette expression sensitive et donc de fait subjective de ce que vive ses personnages, c'est sa capacité à quitter le point de vue de son personnage principale pour épouser avec la même acuité celui de son personnage "secondaire".

Le film est trop récent pour que je me laisse aller à une étude trop poussée qui m’amènerait à en dire trop sur le dénouement du film. Je m'arrêterais donc ici en vous invitant à aller le voir et à découvrir si ce n'est pas le cas toute la filmographie de l'un des plus grands cinéastes français contemporains.

Post-Scriptum:
Une dernière chose. Ce film, beaucoup plus que le "Intouchables" de Toledano et Nakache doit nous servir à évoluer en tant que société et à prendre conscience de l'indélicatesse et de la condescendance que l'on peut parfois poser sur le handicap. Stéphanie est une femme avant d'être une handicapée, comme bien des personnes que nous croisons chaque jour en posant sur eux un regards apitoyés quand ils attendent un regard d'égal à égal. Encore une fois, les meilleurs leçons de morale sont celles qui ne font pas la leçon. 

Et pour mieux approfondir votre connaissance de l’œuvre de ce grand artiste, on se quitte avec la Master Class de Jacques Audiard au forum des images en 2009 : 


La Master class de Jacques Audiard par forumdesimages

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