mardi 5 juin 2012

Le début de la fin du monde vu par un cinéaste visionnaire....

  "Le film est contemporain, quand le livre était prophétique.
(David Cronenberg)


 
J'ai un attachement tout particulier à l’œuvre de David Cronenberg. Elle me rappelle mes premiers mois d'étudiant en cinéma à Paris 8, les heures passées à la vidéothèque de la Bibliothèque Universitaire et la découverte que j'y ai fait des premiers films du cinéaste canadien.



A jamais marqué par un visionnage trop précoce de sa version de la Mouche, je m'étais inscrit dans un cours sur son œuvre distillé par son bon ami Serge Grünberg. Mais plus que le cours en lui-même, je me souviens des moments passé à découvrir, seul, "Rage", "Frisson","Vidéodrome", "Scanners" ou "Chromosome 3". 

Je me souviens qu'il y avait dans sa manière d'instiller l'horreur dans le réel, dans le quotidien, quelque chose de prodigieusement puissant. Je me souviens d'une esthétique un peu datée (en même temps, tous ces films datent de la fin des années 70 et du début des 80) qui renforçait le caractère horrifique de certaines situations. Le même genre de sentiment que l'on éprouve à la vue des premiers Wes Craven tels que "La dernière maison sur la gauche" ou "La Colline a des yeux".  




 J'ai par la suite été un peu moins proche de son œuvre, jusqu'à Existenz. C'est drôle, je me souviens encore de ce mélange de fascination et de scepticisme qui m'habitait en sortant du premier visionnage de ce film. J'étais fasciné par le fait qu'en cette belle année 1999, Cronenberg a réussi un exploit qui n'a pas été réitéré depuis dans le cinéma occidental, à savoir, mettre en avant la puissance du jeu vidéo et l'emprise qu'il peut prendre sur l'esprit humain.


Et voilà que 24 heures avant d'entrer dans la salle où était projeté Cosmopolis, j'évoquais, dans une discussion avec un ami, le caractère visionnaire que pouvais avoir le cinéma de Cronenberg. D'ailleurs quand on réfléchit bien, on se rend compte que l'on peut attribuer les mêmes qualités visionnaires à un film comme "Vidéodrome" qui parlait déjà de ce qu'aillait devenir la télévision.

Et tout ça m'amène à vous parler de Cosmopolis. Je commencerais par évoquer les réactions des autres spectateurs en sortant de la salle. Le fait d'en entendre un certain nombre évoquer l'excessive théâtralité, la longueur du film ou la complexité des dialogues, m'a fait pensé à moi sortant de Existenz, il y a 13 ans. Et comme moi à cette époque, je pense qu'il n'ont pas encore perçu tout le potentiel du film et qu'avec le temps, le recul et la confrontation de leurs avis avec d'autres, ils finiront par développer un regard plus nuancé sur le film.

A première vue, ce film raconte une journée particulière, dans la vie tout aussi particulière d'Eric Packer, jeune prodige de la finance à la tête d'une fortune colossale dont on ne voit pas la fin et qui s'est faite sur sa capacité prodigieuse à anticiper, à gérer les informations avec un temps d'avance. Cette tendance à l'anticipation se retrouve dans le fait qu'Eric Packer ne décroche jamais. Les moments qu'il ne passe pas à son bureau, il les passe dans sa limousine customisée pour devenir un lieu de travail, un lieu de réunion, un lieu de vie.

C'est donc dans cette voiture qu'on le retrouve. En route pour aller se faire couper les cheveux. De l'autre côté de la ville. Suivant une pulsion aussi inexpliquée qu'inexorable. Malgré les menaces qui semblent peser sur sa personne et qui mobilise Torval, le responsable de sa sécurité. Malgré le cortège présidentiel qui bloque la circulation dans la moitié de la ville. Malgré les funérailles d'une star de la musique, malgré les manifestations. Packer semble traverser tout cela sans que son univers, maitrisé jusqu'au bout de son check-up médical quotidien, ne soit effleuré par tout ce qui se passe.

Mais le mal est ailleurs, intérieur et déjà présent depuis longtemps. Et aussi infinitésimale que soit la raison d'une éventuelle chute à venir, la déchéance sera implacable.

Comme je vous le disais en préambule. Ce film parle de la fin du monde. De la fin de notre monde actuel. De sa destruction par les éléments même qui l'ont poussé à se penser grand. De sa destruction par ceux qu'on pensaient être les meilleurs d'entre nous, parce que les plus rapides, les plus voraces.

Malgré une forme qui peut paraître troublante de prime abord, voilà un film qui fait du bien tant il nous met face un miroir. Et le choix de Cronenberg d'aller chercher Pattinson est une manifestation supplémentaire de son génie. Je n'ai pas vu les Twilight et ne les verrais surement jamais, mais le mec est bon !!! Il incarne parfaitement la société du jeunisme, de la réussite à tout prix et de la conquête destructrice d'une richesse sans fin. En plus de l'incarner parfaitement, il l'interprète avec une belle subtilité, et du personnage froid, distant, détestablement sûr de lui des premières scènes, il va finir....

Je ne vous le dirais pas...

 ...Allez voir le film.



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